Depuis l’époque préhistorique, le sol a été exploité sans relâche. Des traces d’enclos agraires, près de la ferme de La Loge, des déchets de la métallurgie du fer près de La Bouverie, des poteries gallo-romaines complètes trouvées aux Terres Rouges (sépultures ?), et des pièces de monnaie romaines à Le Pérou à l’effigie de l’empereur Vespasien (69–79), attestent de la présence et d’ activités d’une communauté humaine locale aux époques gauloise et gallo-romaine.
En 1184, la terre de Marigny est possédée, en commun, par les moines de Coulombs et les lépreux de Beaulieu.
Au XIIe siècle, le domaine de Marigny est une seigneurie, et, plusieurs pièces aux archives départementales d’Eure-et-Loir, font mention des seigneurs de Marigny.
En 1189, Guillaume de Marigny est cité comme témoin dans une charte au prieuré de Brezolles.
L’abbaye de Coulombs y installa sans doute un prieuré avec une chapelle. Ce centre devait devenir la paroisse de la communauté constituée par tous ceux et celles qui travaillaient dans cette campagne. Au fil des siècles, sans doute sous l’influence de Coulombs, se rattachèrent à cette communauté tous les hameaux des environs pour constituer la paroisse que nous connaissons aujourd’hui.
En 1298, Pierre de Marigny devient le neuvième abbé de l’abbaye de Saint-Vincent-aux-Bois à Saint-Maixme-Hauterive, près de Châteauneuf-en-Thymerais.
En 1317, Louis de France, comte d’Évreux, fils du roi Philippe le Hardi donne à Philippe le Long, la terre de Marigny que lui avait remis Louis X le Hutin.
En 1350, Marigny appartient à la famille de Fayel, originaire du Vermandois et du Beauvaisis. Celle-ci la reçoit en compensation des dommages subis sous l’occupation anglaise pendant les règnes de Charles VI et de Charles VII, le domaine de la Perruche situé à gauche de la route de Brezolles à Saint-Rémy, en face de Marigny ; (il n’en reste plus aucun bâtiment aujourd’hui) mais relevait féodalement de La Ferté-Vidame.
En 1669, Henri de Fayel, seigneur de Marigny et de la Perruche fut tué en l’église de Blévy en participant à un duel ; voici en quelle occasion :
« Le dimanche 20 octobre 1669, Charles de Paris, écuyer, sieur de la Noue et Guillaume de Colas, sieur de Baronval, étaient en contestation pour les droits honorifiques. Ils avaient plusieurs fois insulté et même frappé le curé de Blévy en fonction. II s’agissait de savoir qui des deux gentilshommes devait avoir l’eau bénite et le pain bénit. N’ayant pu s’accorder, chacun des prétendants réunit dans l’église de Blévy, plusieurs de ses amis, armés d’épées, de pistolets et de fusils. On commença par se menacer de part et d’autre, et bientôt on en vint aux voies de fait. On se battit avec acharnement dans l’église, ce qui fit sortir les habitants en foule. Plusieurs coups de fusils et de pistolets furent tirés, et le sieur de Baronval fut tué sur la place par le chevalier de Saint-Arnoult. Le sieur de Marigny était avec la dame de la Noue, à laquelle il donnait le bras pour la tirer de la presse, car elle était sur le point d’accoucher ; il fut blessé à mort, près de la balustrade du chœur. La Houssaye fut pareillement blessé à mort, ainsi que de la Noue, principal agresseur qui mourut huit jours après, de la suite de ses blessures. »
Seize nobles et deux de leurs valets qui avaient pris part à cette affaire, furent jugés souverainement à Chartres par une commission composée des officiers du bailliage, présidé par un maître des requêtes, intendant d’Orléans. Par jugement rendu le 16 janvier 1670, ils furent déclarés criminels de lèse-majesté divine et humaine, et dûment atteints et convaincus d’assemblées illicites, de combats prémédités, de « sacrilèges et profanations commises dans l’église de Blévy… déchus des privilèges de noblesse et déclarés ignobles et roturiers… »
Le sieur de Marigny, déclaré mort, coupable des dits crimes, fut condamné à 600 livres d’amendes… Pour sûreté du paiement de cette somme, tous les fiefs de la Perruche furent saisis. Mais la veuve de Henri de Fayel, Marguerite du Gaillardbois, femme de courage et de tête, bien appuyée d’ailleurs, parvint, en vendant une ferme de 120 arpents qu’elle possédait près de Laons, son argenterie, etc., à faire lever le séquestre et à rétablir l’intégrité du son domaine, moins la ferme de Laons ; du reste cette malheureuse affaire, qui était dans les mœurs du temps, ne nuisit en rien à la considération dont jouissait la maison de Fayel, comme on le voit par la suite. »
En 1795, Charles Philippe François de Fayel mourut sous les drapeaux et son frère Louis Paul de Fayel resta célibataire. Avec la dernière représentante de la famille : Agnès, Marie, Jacqueline de Fayel s’éteignit cette branche des de Fayel de Marigny de la Perruche.
Au cours des temps modernes, la paroisse ne connut pas vraiment d’événements marquants. À la Révolution, l’abolition des privilèges et la redistribution des terres ayant appartenu aux grands ordres religieux ne changea guère les mentalités.
Le fait qu’en 1795, Louis Charles de Fayel, seigneur de La Perruche et de Marigny prit simplement le nom de Marigny et mourut, maire de Prudemanche en 1807 est significatif de la paix qui régna au village dans cette période agitée.
Trois lieux-dits évoquent un peu ce que fut autrefois la vie des paysans de Prudemanche.
“Le vieux moulin” situé au nord de la Bouverie en un endroit élevé, bien dégagé, utilisait la force du vent pour moudre les céréales cultivées aux environs.
“La chapelle du gué” près d’un gué sur la Meuvette permettant le passage du chemin reliant le Chêne-Simon au hameau des Marnières, où s’élevait une chapelle dédiée à la Vierge Marie que l’on venait implorer pour obtenir la pluie dans les grandes années de sécheresse. Cette chapelle fut abandonnée avant la Révolution.
“Les Marnières” un hameau de quelques maisons situé dans la vallée de la Meuvette était habité par les marnerons qui extrayaient la marne pour fabriquer la chaux et amender les terres.
Au cours des deux grands conflits mondiaux du XXe siècle, la population connut les souffrances et les deuils comme toutes les communes de France mais aucun fait de guerre ne vint troubler la campagne.
Dans le clocher de l’église, la cloche dont de Fayel fut le parrain, continue à sonner pour les rassemblements de la communauté lors des baptêmes, des mariages et des enterrements de ceux qui ont leur racine dans ce paisible village.
Légendes au coin du feu (rapportées par E. Lefèvre en 18532)
D’après la tradition orale que je vais reproduire, aussi fidèlement que possible, dans toute sa naïveté :
La Fontaine miraculeuse. – Non loin du chemin de Brezolles à Nonancourt, était une fontaine célèbre dans la localité, dite la fontaine des Bougrins, et qui ne tarit jamais. Son eau, suivant une croyance populaire, puisée avant le lever du soleil et bue de suite, à la propriété de guérir des fièvres. Voici l’origine de cette fontaine,
« Comme l’ami de Notre Seigneur (Saint-Lubin) allait d’un endroit appelé depuis Saint-Lubin-des-Joncherets, à un lieu appelé depuis aussi Saint-Lubin-de-Cravant, la mule qu’il montait ayant eu soif, frappa la terre de l’un de ses pieds et donna ainsi le jour à la fontaine, puis elle but. »
La chronique ajoute :
« À quelques pas de la fontaine, à Prudemanche, la mule mangea des bougrins (épis de blé battus) à satiété; mais étant arrivée à Saint-Lubin-de-Cravant, elle se trouva si mal de ce qu’elle avait bu et mangé à Prudemanche, qu’elle en creva. De là, le surnom de cravant qui fut donné à cette localité. »
La légende est belle, mais “cravant” vient de “crow” mot issu de la langue gauloise qui signifierait “caillou”, qui a donné “cron”: terre sablonneuse où l’on voit des débris de coquillage. (Dictionnaire Le Littré). Par extension: “terre de moyenne qualité chargée de cailloux”.